Il n’aura fallu qu’une courte bande-annonce pour que le monde entier tombe sous le charme de Cuphead lors de son annonce au E3 2014. C’était trop beau pour être vrai. Après trois ans d’attente interminable, toutes nos craintes se sont envolées dès les premières minutes de jeu. Cuphead est un nouveau succès indie incontournable, qui s’est déjà taillé une place dans le cœur des gamers.
Ce projet extrêmement ambitieux nous provient de deux Canadiens : Jared Moldenhauer (Game Designer de Saskatchewan) et Chad Moldenhauer (directeur artistique vivant à Toronto). Pourquoi ambitieux? Parce que tous les personnages du jeu ont été dessinés à la main, ce qui est très rare dans le domaine du jeu vidéo (mise à part quelques exceptions comme Jotun ou Sundered). À voir la quantité d’animations de chaque boss, on comprend qu’ils ont bossé fort pendant ces quelques années.
Cuphead fait beaucoup plus que de simplement «nous rappeler les dessins animés des années 30». Ce style n’a pas été ajouté après coup : c’est l’essence même du jeu. Les Moldenhauer sont avant tout passionnés par le studio d’animation Fleischer Studios (qui nous avait entre autres donné Betty Boop) et cet amour transparaît dans CHAQUE minuscule détail du jeu. Les mouvements élastiques des personnages, les transformations psychédéliques, le filtre granuleux qui couvre l’écran, les couleurs délavées, la trame sonore, et ça, ce n’est que ce qui est instantanément visible. TOUT a été réfléchi, étudié, et choisi soigneusement pour créer un tout cohérent et merveilleux.
Des boss abracadabrants…
Cuphead n’a pas seulement un joli minois : c’est un jeu solide, un «run and gun» coriace comme il ne s’en fait plus. Le clou du spectacle, c’est les boss. Une vingtaine de combats plus imposants les uns que les autres, qui se démarquent tous grâce à leurs attaques différentes et leur thématique unique. Le côté cartoon des années 30 était parfait pour permettre d’ajouter un peu de folie dans tout ceci. On se bat contre des légumes, une fleur, un génie, une sirène géante, bref, on ne sait jamais ce qui nous attend dans la prochaine scène. C’est justement une force du jeu : chaque phase des boss nous prend totalement au dépourvu. C’est drôle, intimidant et incroyablement créatif. Ces boss resteront gravés dans votre mémoire à jamais.
Pour ajouter du dynamisme, certaines phases des boss sont aléatoires. Si on prend exemple sur la Baroness Von Bon Bon, vous devrez affronter trois de ses serviteurs avant la confrontation finale, sur les cinq disponibles. On ne sait jamais sur lequel on va tomber, on doit donc toujours rester sur nos gardes.
Entre les boss, on se promène sur une carte à la Super Mario Bros 3. Pas de cinématique, pas de transition entre les niveaux, sans passe de «plateforming» avant d’atteindre le boss. On entre dans le niveau et la bataille commence aussitôt. Le manque de cohérence thématique ou de transition d’un boss à l’autre pourrait être perçu comme un défaut, mais lorsqu’on y réfléchit, ça laisse au contraire une liberté créative au développeur qui est au final une grande partie du charme de Cuphead.
… et beaucoup plus
Discutablement le point faible du jeu (simplement parce qu’ils sont moins impressionnants que les boss), les niveaux à défilement horizontal de type «run and gun» nous donnent une pause de boss bien méritée. Ils ne sont pas faciles pour autant, mais si vous êtes capable d’y récupérer les cinq pièces qui y flottent, vous pourrez ensuite vous procurer des améliorations de personnage chez le sympathique cochon borgne Porkrind (ou «oreille de christ», s’il y avait une version québécoise!)
Chaque nouveau projectile vient avec ses points positifs et négatifs, tout comme les charmes que vous pouvez équiper. Par exemple, un charme nous donne un quatrième cœur, mais les dommages que vous infligez aux ennemis seront légèrement amoindris. Les projectiles rouges (Spead) se divisent en trois et font plus de dégâts, mais leur portée est beaucoup moins grande. En gros, aucune arme ou charme ne rend le jeu plus facile, tout reste équilibré. L’avantage, c’est qu’on peut user de stratégie lorsqu’on apprend à connaître un boss et équiper son arsenal en conséquence.
Un troisième type de niveau vient lui aussi ajouter un peu de variété à tout ça : on y contrôle un avion dans un environnement défilant vers la droite, comme un space-shooter. L’air de rien, Cuphead couvre assez large avec son concept et réussit dans tout les cas. Peut-être que les portions «run and gun» sont moins magistrales que les boss mais je crois fermement qu’elles étaient essentielles pour briser la monotonie et en faire un jeu qui semble complet.
Une difficulté à en boire la tasse
On ne se le cachera pas : Cuphead est difficile. Peut-être que «l’internet» en met un peu trop, mais vous allez tout de même inévitablement recommencer des boss des dizaines de fois pour en venir à bout. Ceci dit, on ne sent jamais qu’un boss est impossible. Il faut simplement apprendre les mouvements et les attaques des boss, et après plusieurs essais, on finit par faire un parcours parfait et réussir.
Évidemment, chaque victoire est proportionnellement satisfaisante au stress et à l’effort qu’on y a mis. Je me suis surpris à lâcher des cris de joie à la vue du mot «Knockout» qui apparaît lorsqu’on élimine enfin un boss.
Jamais frustrant? Ça, c’est faux, mais on se fâche surtout contre nous-mêmes, surtout lorsque le défi augmente considérablement dans le deuxième monde. Un détail qui fait toute la différence : lorsque vous mourez, on vous affiche une ligne de temps qui vous permet de voir votre progression dans le niveau et le nombre de phases du boss. On voit qu’on se rend de plus en plus loin chaque fois, ça nous garde motivé.
Bien qu’on vous offre le choix de battre les boss en mode «simple» au lieu de «régulier», une réussite à la difficulté plus facile ne vous permettra pas de débloquer le prochain monde. Il faut le voir comme un mode «pratique», dans lequel certaines attaques ou projectiles ne sont pas présents. Cuphead n’est donc peut-être pas pour tous : il faut être un joueur habitué et patient, mais étant donné que c’est exactement de cette façon qu’il est vendu, ce n’est pas un problème.
Cuphead est disponible sur Steam pour un tout petit 22$, mais si vous êtes détenteur d’une Xbox One et d’un PC, la version Windows Store est peut-être la meilleure solution puisqu’elle vous donne accès au jeu sur les deux plateformes. Mieux encore : la sauvegarde et vos achievements sont synchronisés entre les deux machines.
Vous allez me trouver ridicule, mais il y a quelque chose d’émouvant à voir un tel projet de passion reçu si chaleureusement par la communauté des joueurs (actuellement à 5400 critique positive sur Steam à quelques jours de la sortie). Qu’est-ce que vous attendez? Embarquez dans le train et régalez-vous vous aussi de ce petit chef-d’œuvre canadien! Je suis impatient de voir ce que cette équipe nous réserve dans le futur! Longue vie au Studio MDHR et félicitations à la compagnie montréalaise Illogika pour avoir aidé au développement!
Points positifs
- Style visuel grandiose
- Gameplay
- Offre un défi considérable
- Jouable en coopération local
Conclusion
Comme Super Meat Boy, Braid ou Limbo, Cuphead fait partie de ces jeux indies exceptionnels qui traversent le temps. Longue vie au Studio MDHR.