Aujourd’hui on se pose la question de l’idéalisation des armes à feu dans les jeux vidéo. À chaque nouvelle de tuerie de masse, je stresse. Je lis les articles attentivement m’assurer que mes amis aux États-Unis et leurs enfants sont sains et saufs. Je n’ai ni l’envie ni le besoin de vivre un tel stress et drame, comme chacun d’entre nous. Or, les tueries de masse se produisent très fréquemment, il y en a plusieurs par jour. Dans ce pays, les armes sont disponibles en vente libre.
Nous sommes tous au courant de l’existence des armes à feu depuis notre plus jeune âge. On les a vues notamment dans nos dessins animés (Looney Tunes), dans nos films, livres, jeux vidéo et bandes dessinées.
L’image du héros solitaire qui abat une armée de méchants est un cliché de la culture populaire que l’on retrouve dans tous les médias. Les militaires sont idéalisés, ils vont faire la guerre dans des pays étrangers pour y “apporter la démocratie”. Les œuvres mettant en scène les policiers, les militaires ou les héros possédant une arme à feu sont innombrables.
Le cas des jeux vidéo
Les personnages munis d’un pistolet ou fusil prenant des poses héroïques sur les jaquettes de jeux vidéo sont nombreux:




Certains jeux sont recommandés pour les adultes, d’autres pour les adolescents. Ça c’est pour le côté théorique des recommandations. En pratique, de nombreux parents laissent leurs enfants et adolescents jouer à des jeux pour adultes. [1] [2] [3]
Cela peut arriver pour de multiples raisons:
- Les parents ne s’intéressent pas aux jeux vidéo;
- Les parents ont confiance en leurs enfants et pensent qu’il est bénin d’être exposé à ce contenu;
- Les parents sont absents;
- Les enfants jouent en cachette;
- Les parents cèdent face à l’insistance des enfants voulant jouer aux mêmes jeux que leurs camarades.
Cependant, la plupart des parents n’accepteraient pas de laisser leurs enfants lire un livre pour adultes, ou regarder un film pour adultes.
C’est pourquoi à Écran Partagé nous tentons d’informer sur le contenu des jeux, quel qu’il soit.
Jouer à un jeu vidéo violent ou comportant des armes à feu, ne transforme pas soudainement les joueurs en tueurs.
Les joueurs sont simplement exposés à un autre point de vue, une nouvelle vision : une vision dans laquelle les protagonistes règlent leurs problèmes et oublient leur malheur en tirant sur leurs adversaires.
D’ailleurs, cela tombe à pic puisque le but du jeu consiste à éliminer les adversaires à l’aide d’armes à feu.
Si les joueurs les plus influençables ne jouent qu’à des jeux de tir pendant des périodes étendues dans le temps, il se peut qu’ils ne connaissent que cette manière de résoudre des problèmes dans la vie réelle. Cette tendance est d’autant plus aggravée lorsque les armes à feu sont disponibles en vente libre dans le pays.
L’influence de la culture populaire sur la société est quelque chose de documenté. [4] On s’attache aux personnages fantastiques que l’on incarne, que l’on suit à travers des épisodes, des séries, des jeux. Parfois on se déguise même en notre personnage de manga, de comics, jeux ou séries TV préférés. Quand un clip (Gangnam Style par exemple), une série (comme Squid Game) ou un jeu (tel que Fortnite) cartonnent et rencontrent un grand succès, cela influence le reste de la société. Le nombre de mentions, de parodies, de plagiats explose.
Le 14 mai 2022, une tuerie de masse a eu lieu à Buffalo dans l’État de New York, aux États-Unis. Pendant cet événement, le tueur a diffusé une vidéo de lui en direct en train de montrer son arme en vue à la première personne, à la manière de nombreux jeux de tir. [5]

Le tueur a diffusé la vidéo de son massacre en direct sur Twitch, la plateforme de diffusion de contenu des joueurs de jeu vidéo appartenant à Amazon. Voir nos articles au sujet de Twitch :
Est-ce que Twitch est vraiment sécuritaire pour les jeunes ?
La ludification sur Twitch: allier jeu à l’agréable
La propagande
Savez-vous ce qu’est un SMG? Un submachine gun.
Un RPG? Un Rocket Propelled Grenade
Un Famas?
Un AK-47? Avtomat Kalashnikova 47 (pour 1947). Souvent abrégé Kalashnikov, ou encore Kalash, ou AK.
Un Magnum?
Je le sais, je sais à quoi ressemblent toutes ces armes également. Pourquoi? Parce que j’ai joué à des milliers de jeux vidéo, et qu’on les rencontre souvent.
À quoi cela me sert? Dans les jeux, il faut souvent choisir avec quelle arme partir en mission. Savoir laquelle utiliser selon la situation. Naturellement, les comportements, apparences et noms des armes dans les jeux ressemblent à celles de la vraie vie.
Dans les jeux, il s’agit donc dans certains cas de placements de produits pour les armes à feu.Aussi simple que cela. Je pourrais aller dans un magasin d’armes et savoir laquelle me procurer.
L’armée américaine a bien compris ce filon et a même lancé sa propre série de jeux vidéo : America’s Army, afin de recruter des joueurs pour renforcer ses rangs. Cette série aura duré 20 ans (2002-2022), et les jeux étaient alors gratuits et téléchargeables. Ils étaient également disponibles dans les spectacles aériens, parcs d’attractions et événements sportifs aux États-Unis.
En outre, chaque série de jeux comporte ses propres adversaires : d’autres joueurs humains, des nazis, des russes, des musulmans, des zombies, des extra-terrestres…
Il est bien sûr très dérangeant de pratiquer des génocides virtuels sur des populations représentant des peuples réels. Certains jeux ne donnent aucun contexte, aucune raison, ou déforme la réalité ou la représentation de celle-ci, afin de donner pour ordre aux joueurs de tuer spécifiquement une population.
Quelques développeurs peu scrupuleux ont indigné particulièrement dans leur manière de représenter certaines nations, de donner pour objectif de tuer des civils innocents ou encore des militaires dans les jeux qu’ils avaient créés. Les amalgames sont nombreux, et sont considérés comme volontaires de la part des développeurs.
De ce fait, les jeux vidéo peuvent être utilisés comme un outil de propagande.
Les armes à feu dans les jeux
Comme dit, j’ai joué à des milliers de jeux vidéo comportant des armes à feu. De Doom jusqu’à Fortnite, en passant par Duck Hunt, Point Blank ou Time Crisis.
Je ne remets pas en question leurs qualités, ni l’amusement qu’ils procurent. Parfois cela apporte de nouvelles mécaniques alors réutilisées dans d’autres jeux. L’action elle-même de viser une cible sur l’écran est très amusante, que cela soit avec un pistolet en plastique ou une manette.
Et les joueurs ne s’y trompent pas, parmi les jeux les plus vendus chaque année, se trouve la série des Call of Duty. Au point que son éditeur Activision-Blizzard a décidé de consacrer toutes ses équipes au développement et à la création de titres pour cette série, au détriment de toutes leurs autres franchises. [6]
Tous les soirs, que ce soit sur Fortnite, Call of Duty ou PUBG, des millions de joueurs se retrouvent à travers le monde pour faire une partie ensemble. Les amis aiment d’ailleurs à se trouver le soir, pour se détendre après leur journée de travail. Du tribalisme virtuel en somme, mais également un catalyste, et un défouloir.
Des compétitions existent autour de ces jeux pour les meilleurs d’entre eux. Certains parviennent même à devenir des joueurs professionnels.
Conclusion
Non, je ne parle pas de bannir ni de censurer quoi que ce soit.
Non, je ne blâme pas les jeux vidéo pour quoi que ce soit.
Je parle des jeux vidéo dans cet article car le site y est consacré. Les exemples pullulent dans les autres médias également.
Ce texte est écrit pour faire réfléchir à notre rapport aux armes à feu dans la société. Il y a bien d’autres manières pour interagir en société, que de blesser, tuer, enlever des vies ou détruire des familles.
Devant cette avalanche de contenu violent que l’on voit débarquer dans les conférences bi-annuelles de publicités pour les jeux vidéo, certains développeurs, indépendants pour la plupart, se sont mobilisés.
Ils ont créé leurs propres conférences : le Wholesome Direct. Elle n’annonce et ne fait de la publicité que pour les jeux se déroulant dans des environnements bienveillants.
L’éditeur et constructeur, Nintendo, fait des efforts pour équilibrer ses conférences avec du contenu tantôt bienveillant, tantôt violent, provenant des éditeurs tiers.
Mais la question demeure : est t’il possible de repenser nos interactions dans les jeux autrement qu’avec un pistolet ou un fusil ? Est-ce qu’on peut créer un jeu amusant et se vendant bien, sans les armes ? Nintendo y parvient, mais l’entreprise fait office d’exception.
Même dans Minecraft, ou Roblox, nombreuses sont les modifications ou mini-jeux permettant soudainement d’obtenir un fusil pour son personnage, et de tirer sur l’environnement et les joueurs.
Il est donc nécessaire pour les parents de rester au courant des jeux sur lesquels les enfants passent leur temps,ainsi que de leur enseigner comment départager les médias de la réalité : quelles tâches doit il/elle réaliser dans le jeu ? Dans quel contexte ? Pourquoi ? etc.
Si vous êtes affectés par les nouvelles, il existe plusieurs types d’aides et ressources au Québec, Canada.
Fondation des Gardiens Virtuels
Sources:
[1] Destructoid – 39% of British parents let kids play adult games
[2] Metro UK – Majority of parents let their kids play 18-rated games reveals survey
[3] Wired – Study: Most Teen Gamers Play M-Rated Titles
[4] Medium – the News Well – Impact of Pop Culture on Society
[6] Activision confirms all its core studios are now working on Call of Duty
Image à la une: Capture d’écran tirée du jeu Call of Duty Warzone.