Le jeu vidéo est un médium unique. Il peut nous raconter une histoire sans utiliser le moindre mot, mais aussi nous laisser l’explorer à notre guise à travers les yeux de l’un des personnages. Je ne vous mentirai pas : Anamorphine est déstabilisant. Pas seulement dans ses moments psychédéliques ou ses tours de passe-passe visuels, mais aussi par la détresse de ses personnages qui passe, qu’on le veuille ou non, par le joueur.
La trame narrative se résume en une phrase, il serait donc facile de vous gâcher l’expérience de jeu. Le mieux est de la découvrir par vous-même. Disons seulement qu’un couple dans Anamorphine doit passer à travers des moments difficiles qui changeront leur vie à jamais. N’ayez crainte, malgré la lourdeur du sujet, Anamorphine peut se terminer sur une note plutôt positive (si vous choisissez la bonne fin !). Il tente justement de nous faire comprendre qu’il est toujours possible de surmonter les obstacles que la vie met sur notre chemin.
Il se joue donc à la première personne, sous forme de « walking simulator ». On explore l’environnement, on trouve un objet interactif, et le monde autour de nous se modifie peu à peu. Pas d’énigme ou de dialogues : il est fait pour être joué d’un seul coup. Le moindre casse-tête aurait selon moi alourdi l’expérience, dont la durée d’une heure trente est parfaite pour le type de contenu qu’il a à nous offrir.
Nager à travers ses souvenirs
Des « walking simulators », j’en ai joués. Beaucoup. L’erreur que je vois le plus souvent, c’est le cas traditionnel du scénario trop vague qui a pour but de laisser l’expérience plus « artistique ». On en sort alors bredouille, aucunement satisfait, avec l’impression que le jeu n’existe que pour l’ego de son développeur. C’est le cas (selon moi) de Dear Esther, Bientôt l’été, Assemblance, et beaucoup, beaucoup d’autres.
C’est ici que j’applaudis Anamorphine. Même s’il est presque entièrement muet du début à la fin et qu’on ne saisit pas toujours l’intention d’une scène sur le moment, tout fini par être clair. Son scénario a un message précis qui est illustré de manière frappante et déroutante. Surtout en VR. Parce que oui, Anamorphine est entièrement jouable sur Oculus Rift, HTC Vive, et bientôt PS VR.
Le tour de passe-passe utilisé le plus souvent dans Anamorphine consiste à transformer des éléments du décor alors qu’on zieute ailleurs. Lorsque notre regard revient sur l’élément initial, quelque chose a changé. Un élément est apparu, disparu, où on se retrouve carrément dans un autre endroit. On a l’impression de perdre un peu la carte, et c’est exactement dans cet état qu’est le personnage principal.
Entre l’annonce d’Anamorphine et sa sortie, cette mécanique s’est vu être utilisée un peu partout. La première fois que j’ai été témoin de ce concept, c’est dans un démo VR pour l’Oculus Rift DK2 nommé Sightline : The Chair (présentement disponible gratuitement sur Steam). Ensuite, il y a eu le terrifiant jeu d’horreur Dreadhalls, aussi pour VR sortie en 2014. Ses gargouilles immobiles nous surprennent constamment alors qu’elle apparaissait dans notre dos dans une atmosphère tendue. Même Batman Arkham Knight utilisait ce truc de sorte que les apparitions du Joker vous saisissent chaque fois.
Ça n’enlève rien à Anamorphine, mais c’est certain que s’il était sorti quelques années plus tôt, cette mécanique aurait fait couler beaucoup plus d’encre.
Ce n’est pas le seul tour dans son sac, mais sans aucun doute le plus souvent utilisé. En fait, on pourrait dire qu’il contient grosso modo quatre méthodes de transitions. Ce n’est pas énorme, et lorsqu’on les a toutes vues au moins une fois, l’élément de surprise se dissipe peu à peu. J’aurais aimé me faire ébahir plus souvent. Je m’attendais à un Antichamber narratif, qui nous surprend à chaque coin, ce qui n’est pas le cas.
Un studio prometteur
N’oubliez jamais que le premier jeu d’un studio, c’est l’équivalent du premier court-métrage d’un réalisateur. C’est toujours fait avec peu de moyens, avec peu d’expérience, mais ce n’est pas grave du tout. L’important, c’est de percevoir les idées et le talent derrière le projet, en étant bien conscient qu’ils n’en sont qu’à leur début. Dites, vous avez apprécié les films à plus de 100 millions de dollars de budget de Christopher Nolan ? C’est parce que ses courts-métrages se sont démarqués. Quelqu’un s’est dit : « Imaginez ce que ce génie pourrait faire avec plus de budgets », ce qui a donné naissance à des films hallucinant comme Memento et The Prestige.
Pas que je leur pardonne tout, mais je suis persuadé qu’Artifact 5 pourrait continuer à nous surprendre avec leur prochaine sortie, si le public veut bien leur donner une chance.
Anamorphine n’est pas parfait, mais en termes de jeu narratif de type « récit en espace », il fait un travail remarquable pour nous intriguer et nous frapper par son sujet délicat. Il l’illustre avec des images marquantes et précises, mais tout de même artistiquement intéressantes. Je suis sorti de l’expérience un tout petit peu déçu, mais à tout le moins satisfait.
Anamorphine n’est pas parfait, mais en termes de jeu narratif de type « récit en espace », il fait un travail remarquable pour nous intriguer et nous frapper par son sujet délicat.
Les plus
- Trame narrative bien ficelée
- Message clair et efficace
Les moins
- Les mêmes tours de passe-passe sont réutilisés plusieurs fois
- Quelques passages à vélo un peu ennuyeux